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Le pays aux longs nuages * Christine Féret-Fleury

Francoise Cardinal

Il arrive lorsque l'on débute un roman que l'on sache d'emblée qu'on ne le lâchera pas. C'est ce qui m'est arrivé avec Le pays aux longs nuages de Christine Féret-Fleury! 🙏


Un roman choral qui débute par le départ de Kamar et de sa fille Hana, quittant la Syrie avec l'espoir d'un avenir meilleur, et son adieu muet à son oncle.

" Il y a tant de façons de dire adieu, celle-là était la pire, rester muette, mon enfant serrée contre moi, ne pas trouver un seule larme à lui offrir, pas un mot, même pas un semblant de sourire... J'ai peut-être posé le front sur la toile rêche de sa veste, respiré une dernière fois son odeur de vinaigre et de cumin, l'odeur de ma cuisine et celle de ma tante; j'ai peut-être trouvé là, dans ce souvenir des jours heureux, de quoi mouiller mes yeux."


Voilà, le ton est donné, une écriture toute en poésie, finesse, non-dits si bien évoqués, une mélodie de mots que l'on désire écouter ardemment, une mélopée tellement sensible et poétique, une comptine de recettes récitées, un refrain aux accents d'émotions, de pensées, de souvenirs,...


Voilà, j'ai embarqué de suite avec Kamar et Hana, j'étais avec elles! 🧡


Kamar, qui n'a plus rien ou presque rien, mais qui emporte avec elle une cuillère à long manche qui a appartenu à son arrière grand mère. Une cuillère en bois de frêne, sculptée de roses stylisées et d'un soleil par son arrière grand père. Une cuillère utilisée par quatre générations de femmes dans la famille. Une cuillère témoin de plus de cent ans de tablées joyeuses ou affligées.


Kamar qui récite mentalement pour oublier, qui récite pour ne pas sombrer, pour protéger sa fille, pour tenir le coup sur ce canot de fortune.


Kamar qui récite les recettes de cuisine du cahier de sa mère. "Dans un grand bol, tu mélangeras l'oignon, le bourghol et le sel, l'eau et la viande, et tu travailleras le tout jusqu'à ce que tu obtiennes une pâte souple, n'oublie pas de mouiller tes mains, ma fille."


Et puis, il y a Acia, qui pleure, dont les larmes et la pluie qui s'abattent sur Naples lavent le visage de toute trace de maquillage.

Acia, passionnée de cuisine, de senteurs,... qui vient de perdre son emploi au restaurant et ne sait où aller.

Acia qui savoure les moments en cuisine comme une poétesse, "savourer le staccato du tranchoir, les grésillements des encornets qui valsent dans la poêle avec les légumes à peine blondis, le chant adouci de la pulpe de tomates fraîches mijotant avec du vin blanc et de l'ail, .... pour grapiller quelques secondes de délices, quelques précieuses secondes qui donnent le courage de supporter tout le reste..."


Acia qui n'a rien, ou presque rien, mais qui garde précieusement, où qu'elle aille, la cocotte en fonte qui lui vient de sa grand mère, le seul objet qui la relie à certaines chaleurs, aux premiers plats qu'elle a cuisinés. L'abandonner, ce serait s'abandonner elle-même...


Et puis, il y a Le Chat, qui débarque d'on ne sait où, dont le miaulement couvre le tambourin obstiné de la pluie.

"Un chat des bas quartiers, qui en a vu des vertes et des pas mûres, qui trône sur la pierre lézardée comme si celle-ci avait été le socle d'une statue antique."

Ce Chat qui la rejoint et décide de faire un bout de voyage avec elle.

Ce Chat qui l'accompagne dans cette Italie aux paysages si poétiques.


Et puis, il y a un cahier de recettes, trouvé sur un banc.

Un cahier rempli de photos, d'ingrédients, de petites notes de ci de là, de recettes d'abord écrites à la main, puis à la machine, rempli de prénoms de femmes et de deux hommes.

Un cahier qui s'est transmis au fil du temps, incomplet, qui attend que quelqu'un prenne la suite, la relève de la transmission...


Et puis, il y a... Une magnifique histoire, faite de rencontres, de hasards, de rendez-vous...

Pourquoi le destin met il ces deux femmes sur le même chemin?

Pourquoi atterrissent elles toutes deux chez la vielle Nebbe, au caractère affuté, à l'esprit vif et piquant, restauratrice de son "osteria" aux 1001 merveilles.


Un rendez-vous humain entre ces trois femmes là et la petite Hana, un rendez-vous culinaire, un rendez-vous où l'on s'apprivoise, où les silences en disent plus longs que les paroles, un rendez-vous tout en sensibilité.


Il arrive parfois que des recettes de cuisine sauvent les vies, comme ce fut le cas de Kamar. Il arrive aussi qu'un cahier sur lequel on écrit de nouvelles recettes sur ses pages vierges permette de rassembler, de construire, de relier des vies à un fil solidement, de prendre une nouvelle direction dans la vie, de garder l'espoir.


Il arrive qu'un roman nous offre une partition dédiée à la vie.

C'est le cas au pays des longs nuages 🙏


🍽️ Résumé 🍽️ « Les petites joies ne font pas de bruit, elles ne s’annoncent pas à grand fracas de cuivres comme les réussites éclatantes, mais elles sont là, blotties dans les interstices, entre deux échecs […]. Si discrètes qu’il faut les débusquer, les prendre contre soi, les protéger du vent. Si fugaces qu’elles ne laissent dans la mémoire qu’une ombre de douceur. Mais c’est avec ces douceurs-là qu’on réussit à survivre. »

En Italie, Acia se retrouve sans projet ni attache lorsque le patron de l’osteria où elle travaille disparaît avec l’argent de la caisse. Le hasard, et la compagnie despotique mais amicale d’un chat des rues napolitaines, la mènent jusqu’à un banc sur lequel elle découvre un livre de cuisine.

À l’intérieur, le nom d’un village : Palazzo. Acia y voit un signe et décide de se laisser guider une fois encore par le destin capricieux qui semble gouverner sa vie. Peut-être doit-elle rapporter ce livre à sa propriétaire ?

À quelques milliers de kilomètres de là, à Izmir, Kamar est sur le point d’embarquer avec sa fille sur un canot de fortune. Pour fuir les bombardements, la mort, la guerre qui ravage la Syrie… Elle n’emporte avec elle qu’un peu d’argent, le souvenir de son mari et, avec une cuillère en bois sculpté léguée par sa grand-mère, les effluves épicés des mets de son pays.




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